La constitution d’une société par actions : pourquoi et quand?

La constitution d’une société par actions : pourquoi et quand?

Lorsqu’on se lance en affaires, on doit inévitablement se poser la question de la forme juridique de la nouvelle entreprise. Aussi, l’évolution des affaires peut faire en sorte qu’on doit modifier la forme juridique en chemin. La plupart du temps, ce changement implique la constitution d’une société par actions. Sur quoi doit-on se baser pour déterminer la meilleure forme juridique possible pour une entreprise? On discute souvent de l’aspect légal de cette décision, qui ne doit surtout pas être négligé, mais il est aussi très important de considérer l’aspect financier. Voici nos conseils

Les prérequis : les différentes formes juridiques et leurs particularités

 

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D’abord, il est important de différencier les différentes formes juridiques. En voici donc les principales caractéristiques distinctives des trois principales.

L’entreprise individuelle, adoptée par la majorité des travailleurs autonomes, est la plus simple. L’entrepreneur et l’entreprise ne font qu’un : ils partagent même leur rapport d’impôt! Son démarrage peut être réalisé en quelques minutes : il suffit d’enregistrer l’entreprise au Registre des entreprises du Québec (REQ) si l’entreprise souhaite se présenter sous un nom distinctif de celui de l’entrepreneur. Les frais sont alors de 34 $ au moment de l’enregistrement puis de 34 $ annuellement. Si l’entrepreneur offre des services en son nom personnel, ce n’est pas nécessaire. Fait important à noter : l’entrepreneur est personnellement responsable des toutes activités de son entreprise.

L’équivalent de l’entreprise individuelle lorsque plusieurs partenaires créent une entreprise est la société de personnes, aussi appelée société en nom collectif (SENC). Le principe est le même que pour l’entreprise individuelle : les résultats de l’entreprise sont imposés à même les rapports d’impôt des partenaires. L’enregistrement au REQ est nécessaire et les frais, au moment de l’enregistrement puis annuellement, sont de 52 $. Au niveau légal, il est primordial de comprendre que les partenaires sont personnellement et solidairement responsables de toutes activités de l’entreprise. Le seul moyen de se soustraire de cette responsabilité est la création d’une société en nom collectif à responsabilité limitée (SENCRL), qui est réservée aux membres de certains ordres professionnels. Le choix de cette forme juridique implique peu de frais administratifs mais il est important de faire rédiger par un professionnel une convention indiquant la répartition des revenus de l’entreprise, l’apport des partenaires et le fonctionnement du retrait d’un des partenaires.

Enfin, la société par actions (SPA), aussi appelée compagnie, est la plus complexe des trois. Contrairement à l’entreprise individuelle et à la société de personnes, la société par actions est une personne morale distincte de ses propriétaires, qu’on nomme actionnaires. Elle a donc son propre rapport d’impôt. Sa constitution est plus onéreuse : les frais initiaux varient entre environ 350 et 600 $ selon le régime sous lequel elle est réalisée (provincial ou fédéral). En tenant compte des honoraires professionnels à engager pour la constitution en bonne et due forme, on peut prévoir un budget total moyen entre 1 100 et 2 000 $. La mise à jour annuelle coûte entre 84 et 104 $. Sa gestion est également plus lourde. La société par actions est en mesure d’acquérir des biens, de contracter des dettes et de se lier par contrat sans implication personnelle de ses actionnaires, qui ne sont pas personnellement responsables des activités de l’entreprise. Ça signifie que si la société par action doit faire faillite, ce qui n’est bien entendu pas souhaité, l’avoir personnel des actionnaires n’est pas en jeu. Si la société compte plus d’un actionnaire, comme dans le cas d’une SENC, il est important de mettre en place une convention entre actionnaires, qui implique des honoraires professionnels supplémentaires.

Comment déterminer la forme optimale pour une entreprise?

Quelques calculs s’imposent! En effet, la décision de constituer ou non une société par action dépendra en très grande partie de l’aspect financier. Au niveau fiscal, l’entreprise individuelle et la société de personne sont traités de la même façon : les revenus sont imposés directement dans les mains des propriétaires sur la déclaration d’impôt de l’année de leur réalisation. La société par action est une personne distincte de ses actionnaires et possède sa propre déclaration d’impôt, ce qui ouvre la porte à des possibilités de report d’impôt et de planifications très intéressantes.

La règle de base pour profiter de ces possibilités : le revenu de l’entreprise doit être supérieur aux besoins personnels des propriétaires. Pourquoi? Parce que le système fiscal canadien est articulé autour du principe d’intégration. Son but : l’équité. Il en sorte qu’après impôt un dollar revenu gagné par un particulier est égal à un dollar de revenu gagné par une entreprise puis versé à un actionnaire, que ce soit par le biais de salaire ou de dividende. Évidemment, plusieurs facteurs font en sorte que l’intégration est rarement parfaite.

En voici une démonstration simplifiée. Une entreprise génère un revenu annuel avant impôt de 100 000 $, qui correspond aux besoins personnels de l’entrepreneur :

Par une entreprise individuelle Par une société par actions
 

Revenu

 

100 000

 

Revenu

 

100 000

Impôt personnel 30 423 Impôt corporatif 18 500
Montant disponible 69 577 Montant disponible 81 500

 

Dividende versé 81 500
Impôt personnel 12 716
Montant disponible 68 784

 

Comme on peut le constater, l’impôt payé est très similaire. Ce serait également le cas si l’actionnaire de la société par actions se rémunérait par le biais d’un salaire. Ce sujet sera traité  prochainement dans un autre article.

D’autres raisons peuvent amener une entreprise à s’incorporer (autre terme pour constituer une société par actions) mais d’un point de vue financier, lorsque le train de vie du ou des propriétaire(s) est égal au revenu d’entreprise, l’incorporation n’a pas davantage. Au contraire, elle engendre des frais supplémentaires et un fardeau administratif plus important, autrement dit : plus de paperasse.

Donc, la constitution d’une société par actions est avantageuse dans le cas d’un démarrage lorsqu’il est prévu que ses revenus excèdent à court terme les besoins personnels des actionnaires. Si ce n’est pas le cas au moment du démarrage mais plutôt quelques années plus tard, l’entreprise individuelle ou la société de personnes pourront être transférées dans une société par action par un mécanisme fiscal qu’on appelle un roulement.

Quels sont les avantages de l’incorporation lorsque les besoins de l’actionnaire sont moindres que le revenu de l’entreprise? Le report d’impôt et les opportunités de planification fiscale.

Le plus important : le report d’impôt. Le taux d’imposition de la société par action est inférieur à celui du particulier. Actuellement, le taux d’impôt combiné des sociétés québécoises est de 18.5 %. L’impôt supplémentaire payé par le particulier lorsque des fonds seront sortis de la société par actions viendra combler la différence entre ce taux et celui de l’impôt des particuliers. Or, lorsque les besoins des actionnaires sont moindres que le revenu généré par l’entreprise, il est préférable de ne retirer que le nécessaire et de laisser le plus de fonds possible à même l’entreprise. Ces fonds, sur lesquels l’impôt sera reporté, pourront être investis dans la croissance de l’entreprise, par exemple pour acquérir des équipements, ou encore laissés dans les coffres de l’entreprise en vue d’être retirés plus tard, par exemple lors de la retraite.

Voici un exemple simplifié pour illustrer l’avantage du report. Dans ce cas-ci, l’entreprise génère des revenus de 400 000 $ annuellement et les besoins personnels de l’actionnaire sont de 100 000 $ après impôt.

Par une entreprise individuelle Par une société par actions
Revenu 400 000 Revenu 400 000
Impôt personnel 185 788 Impôt corporatif 74 000
Montant disponible 214 212 Montant disponible 326 000
Dividende versé 118 500
Montant disponible 207 500
Dividende versé 118 500
Impôt personnel 18 500
Montant disponible 100 000

 

Une fois le dividende versé, la société par actions dispose de liquidités d’environ 207 500 $ et le particulier de 100 000 $. Ce sont donc plus de 93 000 $ d’impôt qui sont reportés. Voilà qui peut clairement faire une différence dans un budget!

Ensuite, les opportunités de planification fiscales sont nombreuses. Voici un survol rapide des principales.  Au niveau des opérations courantes, il sera possible d’optimiser la rémunération des actionnaires en choisissant le versement de salaires ou de dividendes. Aussi, l’impact fiscal de l’utilisation d’une automobile dans le cadre des activités de l’entreprise pourra aussi être optimisé. Comment? Vous le découvrirez prochainement dans d’autres articles! À plus long terme, dans le cas où l’on souhaiterait vendre l’entreprise, on pourra faire le choix entre vendre ses actifs ou ses actions et bénéficier de l’exonération pour gain en capital. Sinon, plusieurs mécanismes permettre de faciliter son transfert à sa succession ou un employé.

Pour conclure

Le principal avantage financier de la constitution, présent uniquement lorsqu’une part des revenus sont laissés dans l’entreprise, est le report d’impôt.  Pour une jeune entreprise, l’opportunité de réinvestir ces fonds dans le développement des affaires peut faire une grande différence!

Avant de choisir une forme juridique pour votre entreprise, il est important d’analyser tous les aspects importants au niveau financier, légal et stratégique. Si vous désirez un support professionnel, il me fera plaisir de vous accompagner dans cette démarche!

 

Anne Dugal-Ferron, MBA, CPA

anne@traxion.ca

 

Voici mes suggestions si vous voulez poursuivre votre lecture:

https://www.educaloi.qc.ca/capsules/la-societe-par-actions-compagnie

http://www.registreentreprises.gouv.qc.ca/fr/demarrer/constituer-cie.aspx

http://www.ressourcesentreprises.org/blog/2012/04/les-3-principales-formes-juridiques-pour-votre-entreprise/



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